Votre salarié vous informe qu’il s’est blessé en portant une barre de fer qui lui aurait échappé des mains et serait tombée sur son pied. Ne portant pas ses chaussures de sécurité, il ressent une douleur importante au pied droit. Vous pensez alors que cet accident aurait pu être évité si les équipements de protection individuelle (EPI) avaient été portés et envisagez d’envoyer un courrier de réserves…
Attention, ce serait une erreur.
Qu’est-ce qu’un courrier de réserves en cas d’accident du travail ?
Lorsqu’un employeur reçoit une déclaration d’accident du travail, il a la possibilité d’émettre un courrier de réserves. Ce document permet de signaler à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) qu’il existe des doutes sur le caractère professionnel de l’accident. Il ne s’agit pas d’une contestation directe, mais plutôt d’un moyen d’alerter la CPAM sur des éléments qui méritent vérification : par exemple, un délai anormal entre l’accident et la déclaration, des circonstances floues, ou encore l’absence de témoin. Ce courrier doit être envoyé rapidement pour que la CPAM puisse ouvrir une enquête avant de prendre sa décision.
Non-port des EPI : peut-on refuser la reconnaissance d’un accident du travail ?
Il est légitime de s’interroger sur la réalité d’un accident déclaré par un salarié. Le courrier de réserves sert, effectivement, à remettre en question la matérialité de l’accident ou le lien entre les lésions et le travail effectué.
Dans le cas présent, un courrier de réserves ne pourra qu’affirmer que l’accident n’aurait pas dû se produire si les EPI avaient été utilisés, mais pas nier l’accident lui-même. La CPAM ne sanctionne pas un salarié pour non-port d’EPI en refusant la reconnaissance de l’accident. Elle vérifie uniquement que l’accident s’est bien déroulé au temps et au lieu du travail, et que les lésions médicalement constatées sont liées à cet accident. Ainsi, dans le cas pris en exemple, la mise en avant de la négligence de votre salarié ne vous permettra pas d’obtenir un refus de prise en charge de la part de la CPAM.
Le non-port d’EPI est un sujet RH à traiter en interne. Par exemple, en notifiant un rappel à l’ordre au salarié qui n’a pas respecté les consignes de sécurité. Cela ne peut pas constituer un motif pour un courrier de réserves.
En sus, selon l’article R4321-4 du Code du travail, l’employeur « veille à l’utilisation effective des EPI ». Un manquement à cette obligation peut être qualifié de faute inexcusable avec des conséquences lourdes pour l’entreprise. Il n’est donc pas recommandé de mettre en avant votre manquement, dans un courrier de réserves.
Accident du travail et salarié en état d’ivresse : un motif de contestation ?
Cette question épineuse d’émettre des réserves se pose aussi lorsqu’un salarié se blesse sur son lieu de travail. C’est le cas, par exemple, s’il est en état d’ivresse.
Un test d’alcoolémie peut être effectué, et il peut être positif. Pourtant, même avec une procédure scrupuleusement respectée, cela ne justifie pas un courrier de réserves. En effet, l’alcoolémie du salarié peut expliquer les circonstances de l’accident, mais elle ne remet pas en cause sa réalité.
Autrement dit : le salarié est bien sur son lieu de travail, au temps de travail, et il s’est blessé. Les conditions de reconnaissance d’un accident du travail sont donc réunies.
Ce type de situation relève du disciplinaire ou du suivi RH, mais pas du registre de la contestation de l’AT.
Là encore, vouloir “faire des réserves” revient à contester l’effet… au lieu de contester le fait.
En conclusion : ne soyez pas pressé d’envoyer un courrier de réserves. Vérifiez d’abord sa légitimité et son impact pour l’entreprise.